L’inspiration pour un repérage de rando à cheval
J’ai une journée et demie devant moi. Depuis un moment je regarde le col d’Andorre au dessus de la vallée du Bergons comme une porte, une entrée vers un nouveau monde. Ce col, je le vois depuis la ferme, quotidiennement, en m’occupant des chevaux, et pourtant, derrière, c’est l’inconnu. C’est étrange comme parfois nous sommes appelés à explorer les endroits lointains alors que l’aventure est aussi au coin du pâté de maison. Bon d’accords… Ca aide de vivre à 1000m d’altitude dans les Pyrénées !
C’est parti pour le massif du Pibeste
Mon sac à dos est prêt, les chevaux s’égaient dans l’herbe au village, je peux partir. La météo n’est pas folle mais je rêve de passer au dessus des nuages et de découvrir cette partie de la réserve du Pibeste – Aoulhet qui m’est inconnue.
Je pars du fond de la vallée du Bergons et gravit le pas léger les 410m qui me séparent du col d’Andorre. J’adore toujours autant le flan sud de cette montagne calcique surplombé de falaises d’ où les rapaces décollent aux premiers mouvements d’air chaud matinaux . Je traverse les pelouses d’estive, franchis le col , m’asperge à la source, lance un dernier regard vers les montagnes du val d’Azun qui s’enfoncent dans les nuages: la marée monte, je ne profiterai plus longtemps du soleil printanier !
J’entre alors dans un nouvel univers en direction du col d’ Espades… Changement de paysage, l’ubac me dévoile un chemin entre les roches calcaires et une forêt de feuillus et résineux… Le brouillard se glisse déjà dans l’épaisseur sylvestre, je marche dans un cocon ouaté, une bulle semble s’être formée entre moi et la vie d’en bas. J’inspire . Enfin. Le calme.
Observer à travers le brouillard
Le paysage s’ouvre à nouveau, la pelouse d’altitude s’étend sous mes pieds. Je suis au col des Espades. Je ne vois plus le paysage. La bulle est bien étanche. J’entends ma respiration glisser sur le nuage. Je me fonds au décors…
Dans ce brouillard les sens se déploient diféremment… Je suis plus attentives à la multitude de fleurs qui parsèment la prairie de l’estive: les gentianes printanières impriment leur bleu chatoyant à cet univers féérique.
Pastoralisme et vie sauvage dans la montagne du Pibeste
On perçoit la présence des hommes sur ce territoire maintenu ouvert par le pastoralisme… Les vestiges de cabanes témoignent de la richesse d’une tradition montagnarde passée et de la vie qui animait ces espaces à une époque pas si lointaine. Certes les troupeaux continuent aujourd’hui de monter mais si le monde du 18eme siecle était une société paysanne, aujourd’hui moins de 10% de la population habite en dehors de l’aire d’attraction d’une ville et moins de 3% travaillent dans l’agriculture*…
Mon ouie capture une présence… Son étouffé de sabots légers sur le sol, de la laine glisse sur le brouillard. Ils perçoivent ma présence et nous nous observons un instant suspendu entre deux respirations. Des mouflons habitent ce territoire, réintroduits depuis 1978 dans la réserve… Quelle surprise de croiser les encornures de ces grands mamifères entre deux nuages.
Chacun reprend sa course. Je goûte au silence.
Cabane et refuge dans le Pibeste
Je rejoins la crête , j’observe le relief très abrupte côté nord. Je passe le soum de Marti Peyras ( 1464m) et poursuis m’abriter pour un casse croûte tardif à la cabane de l’ Ysarce. Ces cabanes ouvertes sont des abris heureux pour les randonneurs de passage…
Cette cabane est plutôt rustique mais dispose d’un lit 2 places, d’une table et banc , d’une cheminée… J’aime ces endroits propices à se raconter quelques histoires de brouches au coin du feu !
Je poursuis ma boucle par un ancien chemin qui traverse les forêts jusqu’au ruines de la cabane de Bat de Hau… Ici les prairies tendent à se refermer. Le paysage témoigne encore une fois de la vie d’ autrefois. Je suis émue. Sans doute le brouillard ajoute une poésie mélancolique à ce cheminement.
– Pour les cavaliers – Ce chemin est tout à fait possible mais il présente des passages étroits , légèrement déversants, irréguliers et surtout deux passages de ruisseaux avec des roches glissantes . Il est nécessaire d’adapter son tracé à ces endroit. C’est un passage que je ne conseille qu’aux chevaux et à leurs cavaliers aguerris aux pratiques équestres en montagne, certains passages sont à réaliser à pied…
Au bout du chemin je découvre le superbe refuge d’ Aoulhet. C’est ici que je m’installe pour la nuit. Le refuge comprend une partie berger et une partie randonneur très confortable. Au rez de chaussée une vaste pièce garnie d’ustensiles de cuisine , tables et chaises; à l’étage en mezzanine, un dortoir 6 places avec matelas et quelques couvertures. On trouve de l’eau un peu plus à l’Est qui sort en débit irrigulier d’un captage en amont.
L’endroit est aussi idéal pour un bivouac.
Soirée à la bougie, je sors mon roman de poche: » Une immense sensation de calme » de Laurine Roux… L’histoire est sublime, le décors sauvage, les personnages mystérieux… La neige tombe ( dans le roman n’est ce pas ), les histoires se révèlent et même la présence des 4 étudiants arrivés tardivement partager la cabane ne me sortent pas de mon envoûtement.
Réveil serein après une nuit en montagne
Le lendemain matin le brouillard est toujours là. Je retrouve le sentier de randonnée et chemine à travers les dolines et blocs erratiques . Je souris de ces paysages enrobés de brumes qui donnent à cette échappé un air d’ailleurs lointain, mystérieux.
Je retrouve vite le col des Espades et rebrousse chemin. Le ciel est moins lourd depuis la vallée , je jette un regard complice à ces nuages qui s’accochent au relief et qui m’ont réservé un écrin paisible pour cette évasion itinérante.
Encore plus bas, les chevaux se repaissent de l’herbe verte. Vivement le temps de retrourner là haut à cheval…
En savoir plus sur le massif du Pibeste
Pour aller plus loin dans la découverte de ce massif , le site de la réserve du massif du Pibeste Aoulhet est vraiment chouette. J’ai découvert également un programme d’ animations enthousiasmantes sur les richesses de cet espace !
La carte IGN utile pour explorer le massif est la TOP25 Lourdes- Argeles Gazost- Le lavedan ( 1647ET).
* les données agricoles sont issues du livre « Reprendre la terre aux machines » par l ‘Atelier paysan aux editions du Seuil.
Magnifique voyage, immobile pour moi, merci Adeline.
Bonjour Adeline
Je te remercie infiniment pour ce beau voyage que j’ai réalisé à travers ta prose
Tu as réussi admirablement bien me transporter à travers ces paysages sauvages des Pyrénées que j’ai quittés il y a maintenant une bonne dizaine d’années pour continuer mon petit bonhomme de chemin un peu à Montpellier et un peu au Sénégal
Hugues ancien serveur au Royalty